Les moulins de Lencouacq.
Le domaine de Lestrat
Lestrat vient du mot latin Stratum: route, voie; d’où Estrade, en gascon, Lestrat ou Lestrac. (A Roquefort, nous connaissons le chemin de l’Estrade, perpendiculaire à la rue du Pisque qui rejoignait la route d’Arue avant la construction de la voie ferrée).
Par des archives de l'hôpital de Mont de Marsan nous savons qu'en 1723, Mr de Lescalle, héritier des seigneurs de Persillon de Cachen, déclare tenir à fief vif avec cens et perpétuel du directeur de l'hôpital de Mont de Marsan, la métairie de Lestrac avec son moulin. le directeur à cette date, est Mr de Burriot, seigneur de Hournieux, sous brigadier et chevalier de l'ordre militaire de St Louis.
A cette époque Lestrat et Castelnau sont classés dans un même lot; à elle deux ces métairies sont d'une contenance de 124 journaux, comprenant: 3 maisons et parcs, sols, eyres (aires de battage du grain), eyriaux, prés, jardins, rivières et landes.
En 1812, les de Lescalle en sont devenus propriétaires, ils payent l'impôt pour des parcelles qui mesurent 20 ha 87 a dont 3 ha 25 pour l'étang de Lestrat.
En 1829, Mr Marcel Pierre Corneille de Sainte Eulalie en Born possède Lestrat avec le domaine des Jourets, Mr Descornes héritier des de Lescalle n'en a plus que quelques parcelles.
En 1840, la famille Capdeville achète le domaine de Lestrat.
Pierre Toulgouat dans la lande de Lencouacq
Il se trouve que durant la guerre 39/45, le personnage Pierre Toulgouat a séjourné plusieurs années dans une caravane sur ce site de Lestrat. Pierre Toulgouat, né en 1901, originaire de l’Eure a été un surdoué dans plusieurs domaines: sculpteur, peintre, (par alliance, parent du peintre Claude Monet) photographe, modéliste, ethnographe et écrivain. Il a écrit entre autre, un ouvrage remarquable sur la sociabilité villageoise et légué, au Parc naturel régional des Landes de Gascogne des archives inestimables.(1300 clichés, relevés d’architecture, en particulier ceux des anciennes bergeries courbes).
Au cours son séjour à Lestrat, il est chargé par Mr Druheo, Conservateur des Eaux et Forêts, d’une enquête d’architecture rurale et d’ethnographie dans le cadre d’un projet de création du Musée forestier d’Hossegor. C’est ainsi qu’il réalise l’étude remarquable des 5 moulins de Lencouacq avec la généalogie des familles de meuniers et surtout des schémas exceptionnels de la machinerie (meules, turbines, bluteur, élévateur etc...plus de 80 dessins et 40 pages de descriptions parfaitement détaillées).
Le moulin de Lestrat en 1940, d’après Pierre Toulgouat.
Depuis 1812, les parcelles du domaine de Lestrat n’ont pas changé; seules les cultures ont évolué et les pins ont remplacé la lande. Des prés, des potagers, un étang, des pins entourent les différents bâtiments :
- la maison d’habitation avec façade à l’est, construite en 1914 a remplacé la vieille métairie en torchis, de type ancien avec auvent et un toit à trois eaux.
- la charreterie-resserre date de 1914 elle aussi.
- l'étable est divisée en deux parties: l'étable et le magasin.(un vieux bâtiment à pans de bois avec un toit à deux eaux)
- le bûcher, bâtiment plus moderne
- le moulin exposé face à l'est où est gravé sous l'auvent: Deyres 1843; il comprend
a) le rez-de-chaussée avec la chambre des meules et la chambre du nettoyeur
b) le sous-sol couvert par la voûte qui supporte le moulin est fermé au nord par une digue de bois, la chute des eaux fait tourner la turbine qui entraîne les meules. Les arches de la voûte et la partie basse sont construites en pierre de taille venant des carrières de Roquefort. L’ossature du bâtiment est en pans de chêne, entre lesquels parfois le torchis est remplacé par des moellons liés à la chaux grasse. La charpente est en bois de chêne également (sauf les hautes sablières en pin) assemblée par tenons ou mortaises, avec chevilles ; elle est couverte de tuile à canal sur deux versants et sur une croupe.
Toulgouat nous renseigne longuement sur le fonctionnement du moulin qu’il serait trop long de reproduire ici. Retenons que le silex des meules devait être repiqué périodiquement pour qu’elles gardent leur efficacité; ce savoir faire se transmettait de père en fils. Depuis 1911, la meule n° 3, de secours était actionnée par une locomotive à vapeur; à partir de 1930, elle fut remplacée par un moteur à essence et à naphtaline. La turbine entraînait aussi une dynamo produisant du courant électrique pour l’éclairage du moulin.
Toulgouat termine sa description ainsi :
Ravissant moulin, le plus beau que nous ayons vu. Il rappelle par son style les maisons à auvent qui existent dans la région. Placé dans un site enchanteur le moulin est entouré de prés verts et d’arbres magnifiques. Le soubassement blanchi à la chaux met en valeur par sa nudité la partie haute à pans de bois. L’intérieur est aussi attrayant ; balayé régulièrement, il est propre et net et d’heureuses proportions.
Enfin coup de chapeau à Alberte qui a eu le courage de refaire entièrement la charpente du moulin, écrasée par de gros arbres, lors de la tempête de 1999.
Le moulin du Mouliot
Construit en 1762, sur le Rieu Moulin, affluent de la Gouaneyre, il appartenait à la famille Lapeyre. Le Mouliot s’arrêta en 1850.
Le moulin de Darrouv
Construit en 1790-1791, également sur le Rieu Moulin par la famille Darrouy ce moulin s’arrête de tourner en 1912, à la suite d’une brèche importante survenue dans la digue. La famille Darrouy était propriétaire de plusieurs métairies dans les environs. Elle avait fait construire une grande maison cossue, non loin du moulin, menant grand train de vie avec domestiques, chasse à courre, meutes etc... jusqu’en 1896, où Célestin Darrouy est ruiné. Toutefois, un de ses parents à 100 m de là, dirigeait une tuilerie très active en 1880.
Le moulin de Luglon
Il existait déjà en 1789, lui aussi était une possession de la famille Lapeyre. Il tournera jusqu’en 1880.
Le moulin du Houns
On trouve dans le même acte de reconnaissance de Mr de Lescalle, daté de 1723, que nous avons cité, un autre lot appartenant à l’hôpital de Mont de Marsan, dans lequel figurent les metteries aux Agasses (pies en gascon) Menic et le moulin proche de l’Eglise avec l’étang consistant en 4 maisons, parcs, cabanes, eyriaux, jardins, terres labourables, prés, bois, tausins, pignatas et landes de la contenance de 79 journaux. On y évoque la présence voisine, près de la Gouaneyre, de la petite Grabe et de la Grabe blanque. On y exploitait sans doute une gravière, ou de l’argile blanche ?
Construit en bois, sur pilotis, le moulin du Houns est situé en plein bourg où la Gouaneyre se déroule dans des méandres naturels et artificiels (il a fallu dévier la route et construire un nouveau pont).
Depuis 120 ans, il appartient à la famille Coutures qui a fait construire dans ce site charmant, maison et dépendances des plus agréables.